Droit international privé : Action directe contre l’assureur

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Si, en application du Règlement Rome II, en matière non contractuelle, la victime peut agir directement contre l’assureur du responsable, si la loi applicable à l’obligation non contractuelle ou au contrat d’assurance le prévoit, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle, dans deux arrêts du 18 décembre 2019 (n° 18-14.827 et 18-18.709), que le régime juridique de l’assurance reste soumis à la loi de ce contrat.

Depuis la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007, on sait que l’action directe est une action légale, conférée à la victime afin de lui permettre d’agir directement contre l’assureur. Elle se différencie de l’action directe contractuelle octroyée au bénéficiaire d’une stipulation pour autrui. À l’origine, l’article L. 124-3 du code des assurances ne faisait pas référence à l’action directe. Cette dernière est apparue en jurisprudence, grâce à un arrêt fondateur du 28 mars 1939.

Cette action directe a deux facettes : l’une légale (le droit à réparation de la victime qui peut se retourner contre l’assureur de l’auteur des faits), l’autre contractuelle (l’assureur n’indemnise que dans la limite du contrat qui le lie à l’auteur).

En droit international privé français, on sait de longue date qu’à l’occasion d’un litige international, la victime d’un accident survenu en France est recevable à exercer, contre l’assureur étranger de l’auteur de cet accident, l’action directe que la loi lui confère dans un intérêt d’ordre public (Req. 24 févr. 1936, DP 1936. 1. 49, note R. Savatier ; RGAT 1936. 558, note M. Picard ; L. Perdrix, comm. sous art. L. 124-3, Code des assurances. Code de la mutualité, Dalloz, 25e éd., 2019, p. 292 ; B. Beignier et J.-M. Do Carmo Silva (dir.), Code des assurances, 13e éd., LexisNexis, 2019, sous art. L. 124-3, p. 347, n° 13).

En droit international privé européen, le Règlement Rome II applicable aux obligations extracontractuelles a un caractère universel, c’est-à-dire qu’il s’applique même si la loi désignée par le Règlement n’est pas une loi d’un Etat membre (Sur l’application de ce règlement en matière d’action directe par la Cour de cassation, voir notamment Civ. 1re, 24 janv. 2018, n° 17-10.959, inédit, D. 2018. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; Civ. 1re, 18 déc. 2019, FS-P+B+I, n° 18-14.827 et 18-18.709).

En 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a affirmé que l’article 18 du Règlement Rome II « doit être interprété en ce sens qu’il permet, dans une situation telle que celle au principal, l’exercice, par une personne lésée, d’une action directe contre l’assureur de la personne devant réparation, lorsqu’une telle action est prévue par la loi applicable à l’obligation non contractuelle, indépendamment de ce qui est prévu par la loi applicable au contrat d’assurance choisie par les parties à ce contrat » (CJUE 9 sept. 2015, aff. C-240/14, Eleonore Prüller-Frey c/ Norbert Brodnig, Axa Versicherung AG, D. 2015. 1838 ; ibid. 2016. 1045, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; RTD eur. 2016. 664, obs. L. Grard).

Dans l’arrêt commenté du 18 décembre 2019, la Cour de cassation affirme qu’ « en matière non contractuelle, la personne lésée peut agir directement contre l’assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l’obligation non contractuelle, déterminée conformément à l’article 4 du règlement ou la loi applicable au contrat d’assurance le prévoit, le régime juridique de l’assurance est soumis à la loi de ce contrat ». Dès lors, quant à l’étendue de la garantie due par l’assureur et les moyens de défense que ce dernier peut opposer, c’est la loi de la police d’assurance qui s’applique. La juridiction française saisie doit appliquer le contrat dans toute sa plénitude. Le tiers lésé ne peut donc plus se prévaloir des règles protectrices du droit national des assurances de responsabilité, comme par exemple les règles définies aux articles R. 124-1 à R. 124-4 du Code des assurances. En définitive, le régime juridique de l’assurance, « notamment la détermination des exceptions que peut opposer l’assureur, est soumis à la loi du contrat » (Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances, Dalloz, 14e éd., 2017, n° 775).