Enlèvement international d’enfant : non-retour et conditions de mise en œuvre de l’article 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980

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Expertise : Rapport d’expertise non contradictoire et office du juge
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Dans un arrêt du 27 juin 2019 (n° 19-14.464), la première chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions de mise en œuvre de l’article 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Cet article prévoit la possibilité, pour le juge saisi, de refuser d’ordonner le retour d’un enfant déplacé illicitement. La juridiction doit toutefois établir :

« a) que la personne, l’institution ou l’organisme qui avait le soin de la personne de l’enfant n’exerçait pas effectivement le droit de garde à l’époque du déplacement ou du non-retour, ou avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour ; ou

b) qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable. »

Il était question, en l’espèce, d’un couple, vivant au Luxembourg, qui avait eu un enfant. Les parents s’étaient séparés et un juge luxembourgeois s’était prononcé sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Les difficultés ont commencé lorsque, quelques années plus tard, l’enfant a rejoint la France avec sa mère. Le père a alors saisi l’Autorité centrale du Luxembourg, mise en place en application de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, afin d’obtenir le retour immédiat de l’enfant au Luxembourg. Il a également saisi le juge aux affaires familiales luxembourgeois et obtenu la garde de l’enfant, le magistrat ayant retenu que la décision de la mère de déplacer l’enfant en France était contraire à ses intérêts.

Le parquet français a, de son côté, saisi le juge aux affaires familiales afin que soit ordonné le retour de l’enfant, conformément à la demande de l’Autorité centrale luxembourgeoise.

Le juge français a toutefois considéré qu’il existait un risque grave pour l’enfant, s’opposant à son retour, compte tenu, notamment, du caractère obsessionnel du père, des idées suicidaires exprimées par l’enfant en cas de retour chez celui-ci, de son anxiété et des allégations d’actes de maltraitance.

Le père a formé un pourvoi en cassation, soutenant que lorsque les juridictions de l’Etat membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement illicite (le Luxembourg) ont statué sur la garde et rendu une décision impliquant le retour de l’enfant, les juridictions de l’Etat de refuge (la France) ne pouvaient refuser d’ordonner le retour de l’enfant sans tenir compte des motifs retenus par la juridiction luxembourgeoise et de l’appréciation qui a été faite par cette juridiction des éléments de preuve, également produits devant les juridictions françaises, pour décider du retour de l’enfant.

En d’autres termes, alors que la Convention de La Haye prévoit, en son article 13, une exception au retour immédiat de l’enfant, le père considérait que la décision des juges luxembourgeois privait le juge français de la possibilité d’en soulever les dispositions et de refuser le retour de l’enfant.

Dans son arrêt du 27 juin 2019, la Cour de cassation confirme la décision des juges d’appel aux termes de laquelle le retour de l’enfant a été refusé par application des dispositions de l’article 13 de la Convention de La Haye.

Cet arrêt a un double intérêt :

Il rappelle, tout d’abord, qu’en application de l’article 3 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989, les circonstances doivent être appréciées en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est d’ordre public. Ensuite, il permet de déterminer la portée du jugement luxembourgeois sur la procédure engagée en France. En droit international privé, et plus particulièrement en droit européen, la plupart des règlements adoptés par les institutions européennes véhiculent l’idée d’une confiance mutuelle entre les juridictions des différents Etats membres de l’Union européenne. C’est de toute évidence en vertu de ce principe de confiance mutuelle que le père souhaitait, en l’espèce, que le juge français s’efface devant la décision rendue par son homologue luxembourgeois. La Cour de cassation écarte cette argumentation. Certes, il est nécessaire pour le juge français de prendre en considération les éléments transmis par l’Autorité centrale luxembourgeoise. Toutefois, ces éléments ne s’imposent pas eu juge. Le contraire aurait probablement réduit à néant l’utilité de l’article 13 et la possibilité, pour le juge, de s’opposer à un retour pouvant avoir des conséquences dramatiques pour l’enfant.