Injonction de payer européenne : irrégularité de la signification et compétence du juge de l’exécution

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Le règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer (JOUE n° L 399, 30 déc. 2006, p. 9) a créé, en matière civile et commerciale, une procédure européenne « uniforme » pour le recouvrement transfrontière de créances pécuniaires liquides et exigibles à la date à laquelle la demande d’injonction de payer européenne est introduite (règl. [CE] n° 1896/2006, art. 3 et 4).

Dans le cas où la demande formée en application de cette procédure comporte l’ensemble des éléments exigés à l’article 8 du règlement, la juridiction compétente délivre l’injonction de payer européenne, laquelle doit alors être notifiée ou signifiée au défendeur (règl. [CE] n° 1896/2006, art. 12). Cette notification ou signification est très importante puisqu’elle permet d’informer le défendeur non seulement de la procédure dirigée à son encontre mais également de l’alternative qui s’offre à lui. Dans une première option, il peut contester la créance. Dans ce cas, il doit former une opposition (règl. [CE] n° 1896/2006, art. 16) et la procédure peut se poursuivre devant les juridictions compétentes de l’État membre d’origine conformément aux règles de la « procédure civile nationale appropriée » ou de « la procédure européenne de règlement des petits litiges prévue dans le règlement (CE) n° 861/2007 » (règl. [CE] n° 1896/2006, art. 17, tel que réformé par le règl. (UE) n° 2015/2421, 16 déc. 2015). Dans une seconde option, le défendeur ne conteste pas la créance. Dans ce cas, à l’issue du délai imparti pour former opposition, la juridiction d’origine déclare « sans tarder » l’injonction de payer européenne exécutoire (règl. [CE] n° 1896/2006, art. 18, § 1). Or, conformément aux dispositions de l’article 19 du règlement (CE) n° 1896/2006, une fois que cette injonction est devenue exécutoire dans l’État membre d’origine, elle est « reconnue et exécutée dans les autres États membres sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire et sans qu’il soit possible de contester sa reconnaissance ». Les procédures civiles d’exécution susceptibles d’être mises en œuvre pour en assurer l’exécution forcée sont alors régies par le droit de l’État membre d’exécution (règl. [CE] n° 1896/2006, art. 21, § 1).

Dans un arrêt en date du 27 juin 2019 (n° 18-14.198), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation considère que le juge de l’exécution n’est pas compétent pour connaître de la demande de nullité de l’acte de signification d’une injonction de payer européenne, déclarée entre-temps exécutoire par la juridiction de l’État membre d’origine à défaut d’opposition formée par le défendeur dans les conditions prévues par le règlement (CE) n° 1896/2006.

Une ordonnance d’injonction de payer européenne avait, en l’espèce, été délivrée par une juridiction néerlandaise, à la demande d’une société de droit néerlandais, et avait été signifiée à une société de droit français. A défaut d’opposition, le juge néerlandais avait déclaré cette ordonnance exécutoire et, deux mois plus tard, la société créancière avait fait procéder en France à une saisie-attribution et fait délivrer un commandement de saisie-vente à l’encontre de sa débitrice.

La société de droit français avait contesté la régularité de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer et demandé la mainlevée des saisies devant le juge de l’exécution français. Déboutée en première instance et en appel, elle avait formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation rappelle, dans cette affaire, le principe de la libre circulation des injonctions de payer européennes au sein de l’Union européenne, tel que consacré à l’article 19 du Règlement (CE) n° 1896/2006.

Elle indique que c’est à bon droit que la cour d’appel a déduit que le juge de l’exécution n’était pas compétent pour connaître de la demande de nullité de l’acte de signification de l’injonction de payer européenne « qui tendait à remettre en cause la régularité de ce titre déclaré exécutoire, par la juridiction de l’État membre d’origine », à défaut d’opposition de la société débitrice française formée dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement. Or, si le juge de l’exécution est compétent pour connaître « des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée » (COJ, art. L. 213-6, al. 1), il ne saurait remettre en cause le titre qui sert de fondement aux poursuites (rappr. C. pr. exéc., art. R. 121-1).

Peut-on, dès lors, valablement contester la régularité de la signification de l’injonction de payer européenne devant une autre juridiction que celle qui a rendu ladite injonction ?

La Cour de Justice de l’Union européenne avait déjà été sollicitée à ce sujet dans une affaire où une injonction de payer européenne n’avait pas été correctement signifiée au défendeur (CJUE, 3e ch., 4 sept. 2014, aff. C-119/13, Eco cosmetics GmbH & Co. KG contre Virginie Laetitia Barbara Dupuy et C-120/13, Raiffeisenbank St. Georgen reg. Gen. mbH contre Tetyana Bonchyk). La Cour de Justice avait alors expliqué que, lorsque ce n’est qu’après la déclaration de force exécutoire d’une injonction de payer européenne, que l’irrégularité de la signification est révélée, le défendeur « doit avoir la possibilité de dénoncer cette irrégularité, laquelle doit, si elle est dûment démontrée, entraîner l’invalidité de cette déclaration de force exécutoire ».

La question de savoir devant quelle juridiction une telle irrégularité pouvait être dénoncée était, semble-t-il, restée en suspens. Nul doute, dans notre cas, que la société de droit français condamnée aurait eu plus intérêt à saisir la justice néerlandaise pour contester l’acte de signification de l’injonction de payer européenne plutôt que de saisir le juge de l’exécution français dont on sait qu’il se préoccupe davantage des mesures d’exécution réalisées sur la base d’un titre exécutoire que du titre en lui-même.